Question des lecteurs : Quels sont les pires accidents qui peuvent arriver à un anesthésiste lorsqu’il utilise les curare ?

 



Les curare sont des médicaments fascinants mais aussi redoutables. Mal utilisés, ils peuvent transformer une intervention en un cauchemar pour l’anesthésiste. Aujourd’hui, nous répondons à une question cruciale posée par l’un de nos lecteurs : quels sont les pires accidents qui peuvent survenir lors de l’utilisation des curare ? Voici un tour d’horizon des situations les plus délicates et des moyens de les éviter.

1. Apnée prolongée : Quand la paralysie persiste


  • L’un des scénarios les plus redoutés est une apnée prolongée, souvent causée par :
  • Déficit en cholinestérase (avec le suxaméthonium) : Le patient ne dégrade pas le curare aussi rapidement que prévu.
  • Surdosage accidentel : Une dose excessive de curare non dépolarisant bloque la respiration trop longtemps.

Que faire ?

  • Monitoring rigoureux : Utilisez le TOF (Train of Four) pour éviter une paralysie excessive.
  • Soutien ventilatoire : Maintenez le patient intubé et ventilé jusqu’à récupération spontanée ou reversion efficace.
  • Administration de néostigmine ou sugammadex pour les curare non dépolarisants.

2. Réaction allergique ou anaphylaxie


Les curare, en particulier l’atracurium, peuvent provoquer des réactions allergiques graves, allant de l’urticaire à un choc anaphylactique.

Signes à surveiller :

  • Chute brutale de la pression artérielle.
  • Éruption cutanée et œdème.
  • Difficultés respiratoires.

Que faire ?

  • Arrêtez immédiatement le curare suspecté.
  • Administrez de l’adrénaline, des antihistaminiques et des corticoïdes.
  • Gérez l’anaphylaxie selon les protocoles standards, avec un accès rapide à la ventilation mécanique.

3. Hyperkaliémie fatale avec le suxaméthonium


Le suxaméthonium peut causer une libération massive de potassium, entraînant des troubles du rythme cardiaque voire un arrêt cardiaque. Cela survient particulièrement chez :

  • Les patients brûlés depuis plus de 48 heures.
  • Les traumatisés ayant des lésions musculaires importantes.
  • Les patients atteints de pathologies neuromusculaires (myopathies).

Que faire ?

  • Évitez le suxaméthonium dans ces contextes. Préférez un curare non dépolarisant comme le rocuronium.Si l’hyperkaliémie se produit :
  • Administrez du calcium pour stabiliser le cœur.
  • Réduisez le potassium avec de l’insuline, du glucose, et des bêtamimétiques.


4. Curarisation résiduelle : Quand le patient ne se réveille pas complètement


Un réveil difficile ou une paralysie résiduelle peut survenir si le curare n’est pas correctement éliminé ou si la reversion est incomplète. Cela peut entraîner :

  • Des troubles respiratoires postopératoires.
  • Un risque d’hypoxie.

Que faire ?

  • Assurez-vous que le patient a repris une activité musculaire suffisante avant l’extubation.
  • Utilisez le TOF pour vérifier une récupération complète (TOF > 0,9).
  • Si nécessaire, administrez un antidote (néostigmine ou sugammadex).


5. Intubation difficile ou ratée sous curare


L’administration d’un curare avant une intubation difficile peut entraîner une obstruction des voies aériennes sans possibilité de ventilation.

Que faire ?

  • Anticipez les difficultés en évaluant les voies aériennes avant l’induction.
  • Ayez toujours un plan B : laryngoscope, vidéolaryngoscope, masque laryngé ou cricothyrotomie en urgence.
  • En cas d’échec, maîtrisez la ventilation au masque pour éviter une désaturation critique.


6. Syndrome de Mendelsohn et complications digestives


Les fasciculations musculaires causées par le suxaméthonium augmentent la pression intra-abdominale, favorisant un reflux gastrique. Si le contenu gastrique est inhalé, cela peut provoquer une pneumopathie d’inhalation.

Que faire ?

  • Utilisez la manœuvre de Sellick (pression cricoïdienne) pour protéger les voies aériennes pendant l’intubation.
  • En cas d’inhalation, aspirez immédiatement les voies aériennes et administrez des antibiotiques prophylactiques.



7. Paralysie prolongée chez les patients en insuffisance rénale ou hépatique


Certains curare, comme le pancuronium, sont éliminés par les reins ou le foie. Chez les patients atteints d’une insuffisance organique, la durée d’action peut être considérablement prolongée.

Que faire ?

  • Préférez les curare indépendants de la fonction rénale ou hépatique, comme l’atracurium ou le cisatracurium.
  • Adaptez les doses et surveillez attentivement la récupération.


Prévention : La clé pour éviter les accidents


  • Connaissez vos médicaments : Maîtrisez la pharmacologie des curare.
  • Anticipez les complications : Évaluez chaque patient individuellement.
  • Utilisez un monitoring rigoureux : Le TOF est votre meilleur allié.
  • Communiquez avec l’équipe : Une bonne coordination sauve des vies.


Les curare sont des outils puissants entre les mains d’un anesthésiste, mais ils exigent respect et vigilance. Comme toujours, mieux vaut prévenir que guérir.

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