Shabani Kashira dit Papa Shany
Les héros dans l’ombre : Papa Shany, le doyen de l’anesthésie et réanimation
1. Une carrière bâtie sur l’excellence et la persévérance
En 1987, au cœur de Goma, Shabani Kashira, que beaucoup appellent avec respect _Papa Shany,_ était un simple infirmier A2. Mais derrière ce titre modeste se cachait un homme aux rêves démesurés. Son ambition était claire : il voulait bâtir une carrière où il serait maître de son destin, une carrière où son talent serait vu, reconnu et respecté.
Ce rêve l’a conduit à quitter sa ville natale pour Kinshasa, où il commence des études en anesthésie et réanimation à l’Institut Supérieur des Techniques Médicales (ISTM). À une époque où peu osaient se lancer dans ce domaine, il faisait partie d’une promotion rare et limitée. Mais Papa Shany n’était pas comme les autres. Brillant, déterminé, il portait sur ses épaules la responsabilité d’un avenir meilleur, non seulement pour lui, mais pour ceux qu’il soignerait un jour.
Après des années de sacrifice et de rigueur, il décroche son diplôme en 1993, prêt à affronter les défis de la vie professionnelle. Sa première affectation fut à l’hôpital Kitambo, à Kinshasa, où il travailla avec dévouement pendant deux ans. Ses compétences et son sérieux ne tardent pas à attirer l’attention.
Et c’est ainsi que l’Hôpital Général de Référence La Charité à Goma, touché par son parcours, décide de le rappeler à son retour. Il y travaille pendant cinq ans, collaborant avec des sommités médicales comme le Dr Maganga, un chirurgien de renom. Ensemble, ils opéraient des miracles. Mais comme souvent dans la vie, même les rêves les plus beaux s’accompagnent de défis. Des clauses contractuelles non respectées le poussent à quitter La Charité pour l’Hôpital Provincial du Nord-Kivu, où il continue de briller pendant deux ans. Là-bas, aux côtés de figures emblématiques comme le patriarche Simon, Papa Shany enrichit encore son expérience.
Pourtant, le destin semble lié à La Charité. Reconnaissant la valeur de cet homme, l’hôpital le sollicite à nouveau. Cette fois, les conditions sont respectées, et Papa Shany accepte de revenir. Pendant dix ans, il y laisse une empreinte indélébile, consolidant sa réputation de pilier de l’anesthésie et de réanimation.
Mais Papa Shany est un explorateur, un homme qui refuse de se contenter de l’ordinaire. En quête de nouveaux défis, il rejoint ensuite Médecins Sans Frontières (MSF) Hollande. Pendant deux ans, il y découvre une autre facette de sa profession, dans un environnement où les défis humains sont aussi grands que les défis médicaux.
En 2009, un autre tournant : il rejoint l’Hôpital Tertiaire Heal Africa, une institution emblématique de Goma. Là, il occupe le poste de chef de service en anesthésie et réanimation. Depuis, il est resté fidèle à cette mission, servant avec le même zèle et la même passion qui l’ont animé depuis ses débuts.
Mais ce qui distingue Papa Shany, c’est sa soif d’apprendre, son désir d’aller toujours plus loin. En 2006, il reprend des études en sciences économiques, décrochant une licence, comme pour prouver que les limites n’existent que pour ceux qui y croient. Et parce qu’un défi en appelle toujours un autre, il se lance en 2012 dans des études en santé publique, ajoutant un nouveau diplôme à son impressionnant parcours.
Chaque étape de sa vie, chaque poste, chaque décision, est un témoignage de sa détermination à ne jamais s’arrêter. Avec un tel héritage, Papa Shany ne raconte pas seulement son histoire : il inspire. Il est la preuve vivante que le travail acharné, allié à une soif insatiable de connaissance, peut transformer des rêves en réalité.
2. Un maître formateur, bâtisseur des générations
Si la carrière professionnelle de Papa Shany inspire par sa richesse et sa diversité, sa mission en tant que formateur élève son héritage à un autre niveau. Depuis 1993, Papa Shany ne s’est pas contenté d’être un praticien brillant ; il a été une source inépuisable de savoir, un mentor infatigable pour des générations d’infirmiers, d’anesthésistes et même de médecins.
Dans les salles de cours comme dans les blocs opératoires, il n’enseigne pas seulement des techniques ; il transmet une philosophie de vie, un sens aigu de la responsabilité. Car l’anesthésie, comme il aime à le rappeler, c’est bien plus que des actes techniques : c’est la vie des gens que nous avons entre nos mains. Un seul faux pas peut coûter une existence. C’est pourquoi il est connu pour sa rigueur. Ceux qui ont eu la chance d’apprendre sous sa direction savent qu’avec lui, on ne badine pas. *"Ce n’est pas moi que vous servez, c’est la vie que vous sauvez",* aime-t-il dire à ses élèves.
Une passion pour la transmission
Papa Shany n’a jamais laissé le poids des années affaiblir son amour d’enseigner. Pendant de nombreuses années, il a été un pilier de l’ISTM Goma, une institution qu’il a contribué à construire de ses propres mains. Là-bas, il a formé des dizaines de promotions, façonnant des professionnels dont l’impact se fait encore sentir aujourd’hui. Mais ce n’est pas tout. Il a également encadré des stagiaires venus de partout : du Burundi, des provinces voisines, et même d’autres régions du pays.
Son approche est unique : dès leur arrivée, il demande à chaque apprenant quels sont leurs objectifs. Que voulez-vous apprendre ? Où voulez-vous aller ? Cette simple question, posée avec sérieux et bienveillance, montre à quel point il considère chaque élève comme un individu, une promesse d’avenir.
Un homme de conviction et de rigueur
Papa Shany n’a jamais fait de compromis sur la qualité de son enseignement. Ses années de service et les milliers – peut-être des centaines de milliers – de patients qu’il a anesthésiés l’ont appris : face à la vie, on ne triche pas. Il exigeait toujours le meilleur de lui-même, et il attend la même chose de ses élèves.
C’est cette rigueur qui l’a rendu célèbre. Des noms aujourd’hui respectés dans le domaine, comme Nicole, Papa André, Madruka, Furaha, ou encore Madame Esther, ont été façonnés sous son aile. Ils racontent tous la même chose : un homme exigeant, mais profondément investi dans leur réussite.
Un appel aux nouvelles générations
Nous, les nouvelles générations, avons beaucoup à apprendre de cet homme. Il ne s’est jamais arrêté. Il a continué à enseigner, à apprendre, à évoluer, sans jamais perdre de vue sa mission. Depuis 1993 jusqu’à aujourd’hui, il continue. Et nous, que ferons-nous des 20 ou 30 prochaines années si Dieu nous prête vie ?
Papa Shany nous montre que notre métier n’est pas qu’une carrière : c’est un appel. Et répondre à cet appel, c’est s’investir pleinement, avec rigueur et passion. Il nous rappelle que nous sommes responsables, non seulement de ce que nous faisons aujourd’hui, mais aussi de l’avenir de notre domaine. Nous sommes appelés à faire plus, à aller plus loin, à inspirer à notre tour.
Alors que nous avançons dans nos parcours, prenons exemple sur ce grand nom. Mettons-nous au service de la vie, avec la même rigueur, la même passion et le même amour de transmettre. Si nous suivons cet exemple, nous pourrons non seulement marcher sur ses traces, mais aussi ouvrir de nouvelles voies pour les générations futures.
Papa Shany nous laisse un héritage, mais il nous lance aussi un défi. Relevons-le avec détermination.
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